
|Marie Noëlie ?
|Par hasard j’écris.
L’écriture m’a happée en fin d’une adolescence difficilement négociée (nommons-là donc adolescence). Elle m’en a extraite : à force de m’interroger sur moi par les mots, ce sont les mots qui m’ont interrogée sur eux-mêmes. Ils ont pris vie dans la mienne, réduisant par leur bruit dans mes pensées celui de mes obsessions existentielles. Comment traduire au mieux un sentiment, comment écrire joliment un fait banal, ici un mot dérangeait le rythme de ses compagnons, là un autre me convainquait de l’y insérer, une idée appelait plus de douceur quand une autre réclamait moins de contournement. Les mots sont pour ainsi dire devenus des êtres auxquels je portais et porte toujours un respect profond, moi la scientifique qui ne connais rien à la littérature et ne lis jamais le moindre roman. Par hasard j’écris. J’écris à longueur de journée dans mes pensées, et, parfois, quand une idée me parait suffisamment finement traduite en mots, je la fige au papier.
De tout j’aime les coulisses. C’est en coulisse que tout se bâtit et se décide, à l’ombre. C’est à l’ombre de leur enveloppe que les graines germent, c’est à l’ombre d’une boîte crânienne que fonctionne le cerveau et à l’ombre d’une chambre que se révèlent les photos, c’est aussi à l’ombre que deviennent les bébés. Écrire c’est être dans l’ombre du texte, ses coulisses : là où les mots s’habillent, s’arrangent et se trouvent finalement suffisamment beaux et sûrs pour paraître sur scène.
Écrire est donc, sans se l’avouer vraiment, aussi, un acte de représentation qui s’expose aux regards. Je n’écris pas pour les regards, mais pour le plaisir. Cependant, au fond, pour quoi écrire sinon pour les regards ? Peut-être pour les pensées qui siègent derrière, à l’ombre… des yeux des lecteurs ?
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